4. LES PRATIQUES FUNERAIRES

4 LES PRATIQUES FUNERAIRES

Le recrutement des sites chasséens ayant livré des restes humains dans la Vallée du Rhône moyen montre une grande diversité dans les pratiques funéraires : sépultures individuelles, ossements épars, grottes sépulcrales. Dans les deux grands "sites centraux" de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Montélimar, il y a des fosses contenant des restes de l'inhumation simultanée et codifiée de plusieurs sujets. Celle-ci a été suivie de leur réouverture plusieurs mois ou années après et des os ont alors été prélevés ou déposés. Jusqu'en 1985, dans cette région, peu de sépultures chasséennes avaient été fouillées et les observations fiables étaient rares. Avec la fouille des grands sites comme aux Moulins de véritables ensembles sépulcraux ont été mis au jour.

4.1 DE VERITABLES ENSEMBLES SEPULCRAUX

Outre les deux sépultures signalées anciennement sur le site, 6 fosses chasséennes, fouillées en 1984 et 1985, ont livré des restes humains. Trois d'entre elles ne contenaient que quelques fragments dispersés et ne sont donc pas considérées comme des tombes. Des liens structurels et typologiques entre ces sépultures permettent de penser qu'elles sont contemporaines : il s'agirait d'un véritable complexe funéraire.

La fosse 69 est la plus spectaculaire : C'est une fosse-silo dont le fond avait été aménagé et qui était doublée, au moins au niveau de sa base, par une structure en matière périssable. Elle a livré trois squelettes de femmes adultes, en connexion, pour lesquelles l'hypothèse d'inhumations simultanées ou très proches dans le temps avec un arrangement, in situ, de la position des cadavres semble la plus probable. L'une d'elles a manifestement un statut privilégié : elle occupe près de la moitié de la fosse, jambes repliées, une main sur le ventre, l'autre sous la tête. Un vase entier a été déposé à l'arrière de son crâne. Les deux autres femmes, visiblement inhumées ensuite, dans un court laps de temps, sont rejetées contre les parois et se superposent en partie. L'une d'elles tient un fragment crânien de boeuf dans la main droite et supporte sur son crâne un fragment de meule. Tardivement, après la décomposition des corps, semble-t-il, la fosse a été comblée avec des centaines de galets mêlés de fragments de céramique et de faune mais également des restes osseux d'un très jeune enfant (3 à 6 ans).

Fosse 16 : également fosse-silo reconvertie en sépulture multiple, est moins intéressante mais a malheureusement été endommagée par la tranchée de pelle mécanique qui décida l'arrêt des travaux en 1984. Trois adultes et un enfant étaient inhumés ensembles. L'un des adultes, le premier inhumé, était recouvert d'une couche de tessons et avait à ses pieds un vase entier. Là aussi le comblement semble tardif.

La fosse 70 : sépulture individuelle en fosse plate, contenait le squelette d'une jeune fille. Ses jambes étaient fléchies et ses mains repliées devant le visage. Le squelette dispersé d'un chien l'accompagnait. La partie non occupée de la fosse avait été comblée par un lit de pierres. A l'inverse des tombes 16 et 69, aucun vase entier n'était associé à la défunte et le comblement de la fosse semble avoir succédé immédiatement à l'inhumation.

Les sépultures 16 et 69 de Saint-Paul-Trois-Châteaux constituent, avec celles découvertes au Gournier à Montélimar, de rares exemples d'inhumations simultanées de plusieurs individus pour la période chasséenne. Elles annoncent la généralisation des sépultures collectives du néolithique final dans le Sud de la France (hypogées et dolmens pouvant contenir jusqu'à des dizaines d'inhumés) même si le principe est différent : il y a dans ces cas réouvertures répétées de la tombe pour placer d'autres corps, et non inhumation simultanée de plusieurs personnes.

A Saint-Paul-Trois-Châteaux les ressemblances entre les deux sépultures multiples sont très importantes. L'orientation et la direction des corps sont telles que, d'une fosse à l'autre, les deux premiers inhumés (l'un avec le vase près de la tête, l'autre des pieds) se font face tandis que les derniers ont leur extrémité céphalique dans des directions opposées. Ces liens d'opposition/complémentarité entre les sépultures sont encore renforcés par le fait qu'un fragment de meule trouvé dans l'un s'adapte sur un fragment de meule trouvé dans l'autre... Il semble donc que la contemporanéité des deux fosses puisse être envisagée. Pour l'instant le recrutement des sujets inhumés, tout comme celui de leur cause de décès sont totalement inconnus.

Sépultures collectives chaséennes aux Moulins :

Fosse 70